LE CHOC

Luc venait d’avoir douze ans, il sortait de chez son ophtalmologue, pour la première fois il avait vu sa mère inquiète, lui-même commençait à se poser des questions : pourquoi devait-il aller voir un spécialiste, faire d’autres examens ? Il avait toujours cru qu’il était myope mais l’ophtalmologue pensait à une maladie qu’il ne connaissait pas, ni sa mère.

L’ophtalmologue leur conseilla un professeur, il se trouvait à Neuilly. Le rendez-vous fut pris assez rapidement.

Luc et sa mère partirent voir le Professeur, il était renommé pour certaines maladies des yeux. Luc passa différents examens, cela dura toute la matinée, il y a eu le fond de l’œil, le champ visuel, les autres lui étaient moins connus. Ils attendaient l’entrevue avec le professeur, il ne voulait pas montrer à sa mère son inquiétude, il sentait trop la sienne malgré tous les efforts qu’elle faisait pour lui parler normalement.

Enfin le professeur les appela, ils entrèrent, le professeur montra les chaises et sourit, il dit à Luc :

·        Tu as de la chance !

·        Pourquoi demanda Luc étonné ?

·        Tu aurais pu être aveugle mais tu ne le seras pas.

Luc cherchait ce qui se cachait derrière ses mots. Sa mère posa des questions, il regardait ailleurs mais suivait tous les mots, il ne voulait pas en perdre un seul.

Le professeur expliquait à sa mère tout en regardant Luc de temps en temps :

·        Votre fils a une rétinopathie pigmentaire, disons il a la chance d’avoir une maladie cousine, elle est moins grave. Dans le premier cas la personne devient aveugle, dans le second la maladie peut s’arrêter et elle se stabilisera.

·        Mais en quoi cela consiste demanda la mère ?

·        Votre fils a un champ visuel restreint, de plus en plus il ne verra plus sur les côtés. Il montra un dessin pour expliquer et Luc regarda, il se rendait compte qu’il ne voyait pas très bien sur les côtés. Le professeur reprit :

·        Ta vue va baisser, elle se stabilisera, d’ici là la médecine peut faire des progrès. Actuellement on ne peut pas la guérir mais il y a de l’espoir pour plus tard.

·        Pourra-t-il mener une vie normale demanda sa mère ?

·        Je l’espère bien, il faudra qu’il revienne régulièrement, il portera des lunettes colorées à vie, ses yeux seront rouges. il faut qu’il porte des lunettes teintées de vue tout le temps…

Luc décrochait, il venait d’entendre « il est possible qu’il ait une canne blanche un jour… » Il ne voulait plus entendre, il voulait  vivre, il était du signe du bélier, un fonceur dans la vie et ne se laisserait pas avoir par une maladie. Il lutterait et la vaincrait.

Le professeur lui dit « Je te revois dans six mois » et il lui tapota l’épaule. Ils sortirent, il dut retenir sa mère qui ne voyait plus les marches, dans la voiture il ne parla pas de sa souffrance après les examens, ses yeux brûlaient.  Il essayait d’égayer sa mère, sachant qu’elle avait reçu un choc affreux, il fallait qu’elle s’en remette ! Durant tout le trajet il lui parla de choses et d’autres. En rentrant, ils regardèrent « Zorro » ensemble, il proposa de faire sauter des crêpes.

Le soir ils firent un dîner crêpes et ce fut gai, quand il sentit que sa mère allait mieux il lui dit qu’il voulait aller se coucher, il n’en pouvait plus. Elle l’embrassa et il monta dans sa chambre, ferma la porte, et mit sa tête dans l’oreiller, il pleura longtemps avant de pouvoir s’endormir.

Elena    a 2009