GENTIL

 

On l’avait surnommé « Gentil », depuis plus personne ne savait son nom, toujours présent à l’appel, rendant service, aimable, un mot gentil… Certaines mauvaises langues diraient qu’il était un peu cruche ou n’avait pas inventé la lumière, et alors ? Chacun profitait de sa gentillesse, d’autant plus généreuse qu’il ne demandait rien.

Gentil ne devait rien à personne hormis sa famille, il n’était pas beau, ne savait pas s’imposer ni exprimer ses idées,  il ne lui restait plus qu’à être gentil ou rester seul, il avait fait le choix.

Personne n’était au courant du journal secret, Gentil y mettait toutes les appréciations sur son entourage,  les pensées que lui inspiraient ses connaissances, les commentaires sur les livres qu’il lisait,  et oui, il lisait beaucoup mais personne ne l’avait remarqué.

Il était invisible, on le remarquait lorsqu’on avait besoin de lui. Il s ‘en était fait une raison, pour pallier il décrivait la vie des autres, faisait des commentaires, réglait les problèmes que les autres ne savaient pas régler ; on pouvait être gentil et intelligent et ça personne ne s’en était aperçu , pas même ses parents.

Les années passèrent, certains se marièrent mais pour Gentil rien n’avait changé, à part son journal qui s’étoffait de plus en plus.

Employé de banque Gentil travaillait, avait réussi à avoir son propre studio, il était presque heureux !

Un jour sa mère accourut « Gentil, presse-toi la Louison veut se tuer «  Sans écouter d’avantage Gentil courut chez la Louison,  il savait que son père frappait lorsqu’il avait trop bu et Louison n’en pouvait plus. Il arriva à temps, Elle avait jeté l’arme et pleurait

La tête dans ses mains dans la cuisine. Gentil monta, le père n’était pas là, étonné il demanda à Louison ce qui s’est passé ? « Père est en colère car je veux quitter le pays, vivre seule répondit-elle en soupirant.

Gentil sentit son cœur battre, il se rendit compte qu’elle comptait pour lui, son départ serait trop dur.

-         Prend un studio et j’essaie de te trouver une place à la banque … Commença-t-il – Non, je ne peux pas je n’ai pas mon brevet dit-elle en le regardant comme si elle parlait à un demeuré. Il aurait dû s’en souvenir, il avait oublié qu’elle avait raté son brevet.

Il sentit un regard méprisant et ce fut plus fort que lui, il partit en courant, il ne savait pas si son impression fut juste ou pas, il savait juste qu’il l’aimait mais que jamais il ne le lui dirait et ce secret elle ne devait pas le voir.

Après avoir longuement réfléchi Gentil pris la sage décision d’éviter Louison, puis par la même occasion les camarades ayant besoin de lui, il se refermait sur lui-même, sa famille le voyait à peine.

Il écrivait en dehors de son travail, n’ouvrait plus la porte et évitait les contacts non professionnels.

Au bout de cinq mois il finit d’écrire un livre sur son entourage, la vie et ses souvenirs. Avec la hardiesse du timide il l’envoya à un éditeur puis se sentit soulagé. Il pouvait redevenir Gentil et tout le monde fut content de le retrouver.

Puis un jour Il attrapa  une mauvaise grippe et dans son délire parla du livre, sa mère fouilla toute la chambre sans rien trouver. Une semaine plus tard il mourut à l’hôpital, à un quart d’heure près on aurait pu le sauver mais son cousin s’était arrêté pour parler avec son amie et Gentil n’a pas survécu.

Le village se sentit triste, le lendemain le facteur amena un paquet à sa mère expédié par l’éditeur, elle l’ouvrit et resta bouche bée, son fils sera édité, le manuscrit corrigé était renvoyé, elle profita pour le lire et n’en crut pas ses yeux, « comment accepter alors qu’il avait tout raconté, y compris les histoires des cocus, des tromperies un mélange de Clochemerle avec les vrais noms ? » Elle cacha le manuscrit, écrivit que son fils avait renoncé avant de mourir. Son cœur se brisait à la pensée  des sentiments multiples pour son fils, elle n’avait pas compris. Sa pauvre vie et cette incompréhension entre humains, jamais elle n’avait autant souffert, autant réfléchi, sa vie ne comptait plus, elle devait réhabiliter son fils.

Le reste de sa vie la mère passa son temps a montrer les écrits de son fils après avoir changé les noms, les gens riaient, pleuraient et ne se reconnaissaient pas «  Brave gentil disaient-ils » et la mère souriait heureuse de penser à lui, si près d’elle grâce à ses écrits.

 

Elena 2008

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