FAMILLE

I - Nadia avait été une jeune femme resplendissante, invitée dans les familles les plus nobles, elle aimait sortir, danser, recevoir… Le couple avait deux enfants : Igor, le bien-aimé de sa mère et Tatiana plus aimée par le père. En 1916 le mari de Nadia mourut et elle ne sortit plus. La guerre tua Igor , jeune lieutenant.

Nadia se retrouva seule avec Tatiana, leur solitude ne les rapprocha pas, il fallut attendre la révolution et Tatiana décida de partir en Europe, elle atterrit en France.

De son côté Nadia resta en Russie, étudia pour devenir dentiste.

Pendant que Tatiana se mariait avec un bourgeois, menant une vie oisive, s’intéressant surtout au maquillage, vêtements et vie inutile de bourgeoise s            a mère est devenue communiste, adhérant entièrement au nouveau régime ; oubliant la vie mondaine.

 

II – Les années passèrent tranquillement pour la mère et la fille,  un jour Tatiana retrouva sa mère et une correspondance s’ensuivit. Malgré leurs désaccords politiques elles trouvaient des sujets pouvant les réunir. Nadia n’avait plus de famille et désirait ardemment retrouver sa fille. A 80 ans les soviétiques permirent à Nadia de rejoindre Tatiana en lui versant sa retraite en France. Le bonheur se sentait dans le courrier, Tatiana prépara la chambre de sa mère et comptait les jours pour la retrouver.

Enfin Nadia arriva en France et sa fille l’attendait à la gare avec son mari, toujours du même avis que sa femme, puis ils arrivèrent dans la belle maison bourgeoise de Tatiana qui fit visiter sa maison avec fierté. Nadia lui ramena des bijoux et tous les objets personnels qu’elle put prendre, elles avaient tellement de choses à se raconter.

 

III – Le bonheur idyllique ne dura pas longtemps entre la mère et la fille. Nadia recevait « La Pravda » journal communiste et cela gênait beaucoup sa fille, puis elle devint amie avec une femme communiste parlant le Russe, voisine que sa fille avait toujours ignoré.

De son côté Tatiana refusait la cuisine russe, son mari était français, elle économisait sur le chauffage et sa mère avait froid l’hiver, elle prenait la retraite de sa mère et ne lui laissait presque rien. Il est évident que la crise devait arriver,  après une longue dispute Nadia fit une demande de retour en Russie, sa fille ne l’en empêcha pas.

Le gouvernement russe refusa prétextant l’âge avancé, elle devait avoir près de 85 ans déjà.

En attendant, la mère et la fille mangeaient séparément , le mari ne s’en mêlait jamais. Elles évitaient de se voir, Nadia restait de plus en plus dans sa chambre à écouter radio Moscou ou lire « la Pravda ».

 

IV – Nadia approchait 90 ans et n’en pouvait plus, elle dépérissait, l’amie Russe eut pitié d’elle et prévint la mère supérieure Directrice d’une maison de retraite Russe, celle-ci lui écrivit en lui proposant de la prendre à condition qu’elle ne lise plus « La Pravda ». Au point où elle en était, elle accepta, prit aussi le passeport des émigrés russes , dure décision. Elle se retrouva dans la maison de retraite d’anciens émigrés de la révolution, elle ne fut pas acceptée par les pensionnaires, d’un autre milieu et n’ayant pas accepté le communiste. La mère supérieur n’était pas une mauvaise femme mais ne pouvait pas devenir communiste pour lui faire plaisir.

Nadia s’éteignit de tristesse. Elle avait retrouvé sa fille pour mieux la perdre, elle avait perdu ses amis et son pays et la vie n’avait plus d’intérêt pour elle. Elle ne parla plus , ne bougea plus et s’éteignit doucement n’ayant plus rien d’humain.

 

  Tatiana tomba malade peu de temps après la mort de sa mère, elle ne guérit pas et mourut 18 mois plus tard. Le mari ne le supporta pas et se pendit.

Elena 2008

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