TITI
Un enfant de la rue, Titi avait un cœur d’or, il nous respectait, aidait quand il pouvait, c’était un bon camarade. J’ai joué avec lui de 10 à 12 ans, je n’ai jamais su son vrai prénom, nous l’appelions Titi. Le soir il restait dans notre cour, nous étions trois enfants à vivre dans la maison de 3 étages. Titi craignait de rentrer, son père tapait dur, s’il n’avait pas réussi à se cacher il allait à l’école plein de bleus.
Le père de Titi buvait, nous savions qu’il travaillait mais ensuite dépensait tout dans les cafés, parfois il ramenait un peu de nourriture, se rappelant sans doute qu’il avait un fils.
La mère de Titi était morte, il ne nous a jamais dit de quoi, un sujet qu’il préférait taire, il n’aimait pas qu’on le plaigne, il était le leader et nous l’écoutions. Jamais il ne fut injuste, jamais il ne me blessa, il détestait les bagarres, préférait nous montrer sa force sur les patins à roulettes, son adresse avec les billes, sa ruse dans les inventions des jeux hors du commun.
Titi avait son monde, il rêvait d’être corsaire, il aurait un bateau il ne pillerait que les riches, il serait notre Zorro !
Le soir nous rêvions ainsi jusqu’au moment où les parents nous appelaient, Titi restait avec le dernier appelé, puis marchait à reculons retrouver la pièce délabrée où vivait son père.
Jamais il ne nous invita chez lui, il avait trop honte, il avait aussi trop peur que son père vienne sans prévenir et frappe encore, plus fort comme il savait le faire.
A partir du moment où je commençai à devenir jeune fille, j’arrêtai mes jeux avec les garçons, je leur disais « Bonjour » cela s’arrêtait là.
Vers 13 ans, je déménageais, j’avais voulu faire mes adieux avec tous les enfants que j’avais connu, même ceux que je ne fréquentais plus.
J’allai voir mes anciens copains, je demandai après Titi, ils ne savaient pas ce qu’il était devenu. Je leur demandais s’ils étaient allés chez lui ? Aucun n’avait son adresse. Nous sommes allés à l’école, l’instituteur ignorait tout de lui. Il n’allait plus à l’école depuis deux ans et personne de nous ne s’en était rendu compte, il avait réussi à le cacher.
Je déménageai sans savoir si Titi était encore en vie ou pas.
Elena 2008